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Shirley Keeldar (elle n’avait pas d’autre prénom que Shirley : ses parents, qui désiraient avoir un fils, voyant, au bout de huit ans de mariage, que la Providence ne leur avait accordé qu’une fille, lui donnèrent le même nom qu’ils eussent donné à un fils, si leurs vœux avaient été accomplis), Shirley Keeldar n’était point une laide héritière : elle était agréable à la vue. Sa taille et ses formes ne différaient pas de celles de miss Helstone ; peut-être que, pour la stature, l’avantage se trouvait de son côté d’un pouce ou deux. Elle était gracieusement tournée, et sa figure possédait un charme que le mot grâce exprime aussi bien que tout autre. Son visage était naturellement pâle, mais intelligent et varié d’expression. Elle n’avait ni le teint ni les cheveux de Caroline ; le clair et le sombre étaient les nuances caractéristiques de sa complexion. Son teint était clair, ses yeux du gris le plus sombre, sans nuances vertes, un gris pur et transparent, et ses cheveux du brun le plus foncé ; ses traits étaient remplis de distinction, je n’entends pas dire nobles, osseux et romains, étant au contraire délicats et peu accusés, mais ils étaient ce que les Français appellent fins, gracieux, spirituels : ils étaient mobiles et expressifs, mais leur langage n’était pas compris ni leur changement interprété subitement. Elle examina Caroline sérieusement, penchant un peu sa tête de côté, d’un air pensif.

« Vous voyez que c’est une faible enfant, observa M. Helstone.

— Elle paraît jeune, plus jeune que moi. Quel âge avez-vous ? demanda-t-elle d’un ton qui eût pu paraître protecteur, s’il n’avait été extrêmement simple.

— Dix-huit ans et six mois.

— Et moi, j’ai vingt et un ans. »

Elle n’en dit pas davantage ; elle avait placé ses fleurs sur la table, et était occupée à les arranger.

« Et la confession de saint Athanase ? demanda le recteur : vous y croyez, n’est-ce pas ?

— Je ne peux me la rappeler entièrement. Je vais vous offrir un bouquet, monsieur Helstone, lorsque j’en aurai donné un à votre nièce. »

Elle avait composé un petit bouquet d’une fleur brillante et de deux ou trois fleurs délicates, relevées par quelques feuilles d’un vert sombre ; elle le lia avec un fil de soie qu’elle tira de sa boîte à ouvrage, et le plaça sur les genoux de Caroline ; puis