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stone réprimandait ces jeunes gens, bien que cette manière ne fût peut-être pas appropriée à la circonstance. M. Helstone, debout, roide comme un piquet, avec son œil perçant comme celui d’un oiseau de proie, en dépit de son chapeau clérical, de son habit noir et de ses guêtres, avait plutôt l’air d’un vieil officier réprimandant ses subalternes, que d’un vénérable prêtre exhortant ses enfants à la foi. La douceur évangélique, la bénignité apostolique, semblaient n’avoir jamais exercé leur influence sur ce visage bronzé et âpre ; mais la fermeté et la sagacité se peignaient sur ses traits.

« J’ai rencontré ce soir Supplehough, continua-t-il, pataugeant dans la boue, et allant prêcher dans la boutique de Mildeau. Comme je vous l’ai dit, j’ai entendu Barraclough beuglant au milieu d’une assemblée comme un taureau en fureur ; et je vous trouve, messieurs, vous amusant sur votre demi-pinte d’épais porto, et vous invectivant comme de vieilles femmes en colère. Il n’est pas étonnant que Supplehough convertisse seize adultes en un jour, ce qu’il a fait il y a une quinzaine ; il n’est pas étonnant que Barraclough, ce coquin hypocrite, attire toutes les filles des tisserands, avec leurs fleurs et leurs rubans, pour voir combien ses poings sont plus durs que les bords de son baquet ; il n’est pas étonnant non plus que, livrés à vous-mêmes, sans vos recteurs, moi, Halt et Boultby, pour vous appuyer, vous accomplissiez trop souvent le service divin de notre Église pour les murs, et lisiez votre lambeau de discours devant le clerc, l’organiste et le bedeau. Mais en voilà assez sur ce sujet ! Je viens pour voir Malone. J’ai une commission pour toi, capitaine !

— Quelle est-elle ? demanda Malone, d’un ton de mauvaise humeur. Il ne peut y avoir de funérailles à accomplir à cette heure du jour.

— Avez-vous des armes sur vous ?

— J’ai les pistolets que vous m’avez donnés. Je ne m’en sépare jamais ; je les place toujours tout amorcés sur une chaise à côté de mon chevet. J’ai mon épine noire.

— Très-bien. Voulez-vous aller à la fabrique de Hollow ?

— Que se passe-t-il à la fabrique de Hollow ?

— Rien encore, et peut-être ne se passera-t-il rien. Mais Moore est là seul. Il a envoyé tous les ouvriers sur lesquels il croit pouvoir compter à Stilbro’ ; il n’est resté que deux femmes à la fabrique. Ce serait une excellente occasion pour quiconque lui porte intérêt de lui faire une visite.