l’élever dans l’esprit de Mlle Helstone ou de toute autre dame qui les entendrait ; tandis que, chez Caroline au moins, ils ne provoquaient que le mépris, quelquefois même l’irritation : car, fille du Yorkshire elle-même, elle ne pouvait entendre dénigrer son pays par ce pitoyable bavard. Il lui arrivait parfois, à bout de patience, de le regarder en face et de lui jeter quelque mot dont le sens et le ton étaient peu propres à lui attirer la bienveillance du jeune vicaire ; de lui dire, par exemple, que ce n’était pas une preuve de bonne éducation que de railler continuellement les autres sur leur vulgarité, ni le signe d’un bon pasteur, de censurer éternellement son troupeau ; de lui demander pourquoi il avait embrassé le sacerdoce, puisqu’il se plaignait de n’avoir que des cabanes à visiter et de pauvres gens à instruire ; s’il avait été nommé ministre pour porter des vêtements confortables et habiter des palais. Questions d’ailleurs considérées par tous les vicaires comme audacieuses et impies.
Le thé dura longtemps ; tous les convives bavardèrent comme leur hôtesse l’avait prévu. M. Helstone étant de bonne humeur, ce qui lui arrivait toujours en compagnie des femmes, car ce n’était qu’avec une dame de sa famille qu’il maintenait sa taciturnité rébarbative, M. Helstone donna cours à un flot de brillant et joyeux verbiage avec sa voisine de droite, sa voisine de gauche et même sa vis-à-vis, miss Mary ; car Mary étant la plus sensée, la moins coquette des trois, c’est à elle que le vieux veuf faisait le moins d’attention. Helstone ne pouvait se faire à l’idée du bon sens chez les femmes ; il aimait à les voir aussi étourdies, aussi légères, aussi vaines, aussi exposées au ridicule que possible, parce qu’alors elles étaient en réalité ce qu’il les disait être et ce qu’il voulait qu’elles fussent : des êtres inférieurs, des jouets destinés à amuser une heure de loisir et à être jetés ensuite.
Hannah était sa favorite. Harriet, quoique belle, égoïste et contente d’elle-même, n’était pas assez faible pour lui. Elle avait quelque dignité vraie parmi beaucoup de fausse fierté, et, si elle ne parlait pas comme un oracle, elle ne babillait pas comme une idiote. Elle n’eût jamais consenti à être traitée comme une poupée, un enfant, un joujou ; elle s’attendait à ce qu’on s’inclinât devant elle comme devant une reine.
Hannah, au contraire, ne demandait pas de respect, mais de la flatterie ; en lui disant qu’elle était un ange, ses admirateurs