fait prendre le thé avec elle ; j’étais assise à côté de son feu.
— Ce n’est pas une existence commode, je vous en préviens, dit-elle ; j’exige beaucoup de soins ; vous aurez peu de liberté, peu de distraction ; vous n’avez pas, à ce que j’apprends, été assez heureuse, dans ces derniers temps au moins, pour appréhender beaucoup d’être pis.
Je réfléchis avant de répondre. Tout devait me sembler tolérable après ce que j’avais souffert ; mais j’avais beau me raisonner sur ce point, par une étrange fatalité, je ne pouvais me convaincre. Passer ma vie dans cet appartement, où je sentais déjà l’air me manquer ; devenir la garde-malade d’une paralytique, être en butte à son humeur naturellement sombre, quelle perspective pour la seconde moitié de ma jeunesse, dont la première-moitié était si triste déjà ! Il fallait pourtant répondre, donner un autre prétexte.
— Je ne crains qu’une chose, lui dis-je, c’est d’être au-dessous d’une pareille tâche, de n’avoir pas la force…
— En effet, interrompit-elle, vous avez l’air bien délicat, bien frêle…
Je me regardai dans la glace ; il est certain qu’avec mes habits de deuil, mon teint pâle, mes joues creuses, j’avais presque l’air de re-