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reprit sa place sur sa chaise avec un air d’humeur ; son front se rida, et sa petite lèvre inférieure toute rouge s’avança comme celle d’un enfant prêt à pleurer.

Dans l’intervalle, le jeune homme avait revêtu sa personne d’une veste décidément très râpée ; et se dressant devant l’éclat du feu, il me regardait toujours du coin de l’œil, absolument comme s’il y avait eu entre nous quelque mortelle injure restée sans vengeance. Je commençais à me demander s’il était ou non un domestique ; sa manière de se vêtir et sa manière de parler étaient également rudes, entièrement dénuées de l’air de supériorité que l’on pouvait observer chez M. et Madame Heathcliff. Les boucles épaisses et brunes de ses cheveux étaient raides et incultes, ses moustaches faisaient un crochet sauvage sur ses joues, et ses mains étaient calleuses et noires comme celles d’un valet de ferme ordinaire ; et pourtant son attitude était libre, presque hautaine, et il ne montrait rien de l’assiduité d’un domestique auprès de la dame de la maison. Dans l’absence de tout indice clair sur sa condition, je pensais que le meilleur était de m’abstenir de prendre garde à sa curieuse conduite ; et cinq minutes après, l’entrée de Heathcliff me releva en quelque mesure de l’embarras de ma position.

— Vous le voyez, monsieur, je suis venu, suivant ma promesse, m’écriai-je, prenant un ton joyeux ; et je crains bien d’être fortement éprouvé dans une demi-heure, à supposer que vous veuillez me donner abri jusque-là.

— Une demi-heure ! dit-il, secouant les flocons blancs qui couvraient ses vêtements ; il est bien étonnant que vous choisissiez le plus épais d’une tempête de neige pour faire vos promenades ! Savez-vous que vous courez le risque de vous perdre dans les marais ? Les gens à qui ces landes sont familières s’égarent souvent eux-mêmes par des soirées comme celles-ci, et je peux vous certifier qu’il n’y a