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— Croyez-moi, miss, lui dis-je, chassez-le de vos pensées. C’est un oiseau de mauvais augure et pas du tout un compagnon pour vous. Madame Linton a parlé sévèrement, et pourtant je ne puis la contredire. Elle connait mieux son cœur que moi ou tout autre, et jamais elle ne consentirait à le représenter comme pire qu’il est. Des gens honnêtes ne cachent pas leurs actions. Comment a-t-il vécu ? Comment est-il devenu riche ? Pourquoi demeure-t-il à Wuthering Heights dans la maison d’un homme qu’il déteste ? On dit que M. Earnshaw va de mal en pis depuis qu’il est arrivé. Ils restent assis ensemble toute la nuit ; et Hindley a emprunté de l’argent sur ses terres, et ne fait rien que jouer et boire.

— Vous êtes liguée avec les autres, Ellen ! répondit-elle, je ne veux pas écouter vos médisances. Quelle malveillance il faut que vous ayez pour désirer me convaincre qu’il n’y a pas de bonheur dans ce monde !


Serait-elle parvenue à se débarrasser de cette idée si on l’avait laissée à elle-même ou bien aurait-elle continué à la nourrir sans cesse, je ne puis le dire ; mais elle eut peu de temps pour y réfléchir. Le lendemain il y eut une séance de justice à la ville voisine : mon maître fut obligé d’y assister, et M. Heathcliff, prévenu de son absence, arriva plus tôt que de coutume. Catherine et Isabella étaient assises dans la bibliothèque, fâchées l’une contre l’autre, mais en silence : la demoiselle, inquiète de sa récente indiscrétion, et de la révélation qu’elle avait faite de ses sentiments dans un accès passager de passion ; Catherine, après mûr examen, réellement irritée contre sa compagne, et résolue à faire cesser ses sarcasmes. Elle rit lorsqu’elle vit Heathcliff à travers la fenêtre ; j’étais en train de balayer le foyer et j’observai sur ses lèvres un sourire méchant. Isabella, absorbée dans ses rêveries