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points, pour marquer celles que vous avez passées avec moi. Voyez-vous ? J’ai marqué tous les jours.

— Oui, quelle folie ! comme si j’y faisais attention ! répondit aigrement Catherine. Et quel est le sens de tout cela ?

— De montrer que moi, j’y fais attention, dit Heathcliff.

— Et voudriez-vous que je reste toujours assise avec vous ? demanda-t-elle, s’irritant toujours davantage. Quel profit y gagnerais-je ? De quoi pouvez-vous causer ? Un muet ou un enfant feraient plus pour m’amuser que vous ne faites.

— Vous ne m’avez jamais dit auparavant que je parlais trop peu ou que vous vous déplaisiez en ma compagnie, Cathy ! s’écria Heathcliff, très agité.

— Il n’y a pas de compagnie du tout quand les gens ne savent rien, ni ne disent rien, murmura-t-elle.

Son compagnon s’était levé, mais il n’eut pas le temps d’exprimer davantage ses sentiments, car le pas d’un cheval résonna sur les dalles, et, après avoir frappé doucement, le jeune Linton entra, la figure toute brillante de joie d’avoir été ainsi mandé à l’improviste. Il est évident que Catherine dut remarquer la différence entre ses deux amis, dans ce moment où l’un entrait et l’autre sortait. C’était un contraste comme celui que vous voyez, lorsque vous passez d’un pays à charbon aride et montueux, dans une belle et fertile vallée. La voix et la façon de saluer n’étaient pas moins différentes que la figure. Edgar avait une manière de parler douce et délicate, et il prononçait ses mots comme vous le faites, c’est-à-dire avec moins de rudesse que nous ne le faisons ici, et plus mollement.

— Je ne suis pas en avance, n’est-ce pas ? dit-il en me lançant un regard, car je m’étais mise à essuyer la vaisselle et à ranger quelques tiroirs à l’autre bout du dressoir.