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Avant de venir habiter ici, a-t-elle commencé sans attendre une nouvelle invitation à raconter son histoire, j’étais presque toujours à Hurle-Vent. Ma mère avait élevé Mr Hindley Earnshaw, le père de Hareton, et j’avais pris l’habitude de jouer avec les enfants ; je faisais aussi les commissions, j’aidais aux foins et je rôdais autour de la ferme, prête à tout travail qu’on voudrait me donner. Une belle matinée d’été — c’était au début de la moisson, je me rappelle — Mr Earnshaw, le vieux maître, descendit en tenue de voyage. Après avoir indiqué à Joseph sa tâche pour la journée, il se tourna vers Hindley, vers Cathy et vers moi — j’étais en effet assise à prendre mon porridge avec eux — et dit en s’adressant à son fils : « Eh bien ! mon bonhomme, je m’en vais à Liverpool aujourd’hui, que faut-il te rapporter ? Tu peux choisir ce que tu voudras ; mais que ce ne soit pas gros, car j’irai et reviendrai à pied : soixante milles dans chaque sens, c’est une longue étape ! » Hindley demanda un violon, puis Miss Cathy fut interrogée à son tour : elle avait à peine six ans, mais elle était capable de monter tous les chevaux de l’écurie et elle choisit une cravache. Le maître ne m’oublia pas, car il avait bon cœur, bien qu’il fût parfois assez sévère. Il promit de me rapporter des pommes et des poires plein sa poche, puis il embrassa ses enfants, nous dit au revoir et partit.

Les trois jours que dura son absence nous parurent à tous bien longs et souvent la petite Cathy demandait quand son père rentrerait. Mrs Earnshaw l’attendait pour le souper, le troisième soir, et elle retarda le repas d’heure en heure ; mais il n’arrivait toujours pas et à la longue les enfants se fatiguèrent de courir à la porte d’entrée pour regarder. La nuit vint ; leur mère aurait voulu les coucher, mais ils l’attendrirent par leurs sup-