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atteint mon ciel : celui des autres est pour moi sans valeur et sans attrait.

— Et à supposer que vous persévériez dans votre jeûne obstiné, que vous en mouriez, et qu’on refuse de vous enterrer sur le terrain de l’église ? dis-je, choquée de son indifférence irréligieuse. Cela vous plairait-il ?

— On ne fera pas cela. En pareil cas, toutefois, il faudrait que vous me fissiez transporter secrètement. Si vous y manquiez, vous éprouveriez pratiquement que les morts ne sont pas anéantis.

Dès qu’il entendit remuer les autres habitants de la maison, il se retira dans sa tanière et je respirai plus librement. Mais l’après-midi, pendant que Joseph et Hareton étaient à leur ouvrage, il reparut dans la cuisine et, d’un air égaré, me pria de venir lui tenir compagnie dans la salle : il avait besoin de quelqu’un avec lui. Je déclinai l’invitation, en lui disant franchement que ses propos et ses manières étranges m’effrayaient et que je n’avais ni le courage ni la volonté de rester seule avec lui.

— Je crois que vous me prenez pour un démon, dit il avec son rire sinistre ; un être trop horrible pour vivre sous un toit honnête.

Puis, se tournant vers Catherine, qui était là et qui s’était dissimulée derrière moi à son approche, il ajouta, moitié raillant :

— Et vous, voulez-vous venir, ma poulette ? Je ne vous ferai pas de mal. Non ? Pour vous, je suis devenu pire que le diable. Voyons, il y en aura bien une qui ne reculera pas à l’idée de me tenir compagnie. Pardieu ! elle est impitoyable. Oh ! damnation ! C’est plus que n’en peut supporter la nature humaine… même la mienne !