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en éveil et que ses facultés mentales avaient une activité inaccoutumée. Je suppose que cette ressemblance désarma Mr Heathcliff : il s’avança vers le foyer, en proie à une agitation manifeste, mais qui s’apaisa rapidement quand il regarda le jeune homme, ou plutôt, devrais-je dire, qui changea de caractère ; car elle subsistait. Il lui prit le livre des mains, jeta un coup d’œil sur la page où il était ouvert, puis le lui rendit sans observations ; il fit simplement signe à Catherine de s’en aller. Son compagnon ne fut pas long à la suivre, et j’allais en faire autant, quand il me dit de rester assise.

— C’est une triste conclusion, n’est-ce pas ? observa-t-il après avoir médité un moment sur la scène dont il venait d’être témoin, une absurde terminaison de mes violents efforts ! Je prends des leviers et des pioches pour démolir les deux maisons, je m’exerce à devenir capable d’un travail d’Hercule, et quand tout est prêt, à pied d’œuvre, je m’aperçois que la volonté de soulever une seule ardoise de chacun des toits s’est évanouie ! Mes vieux ennemis ne m’ont pas battu. Le moment précis est venu de me venger sur leurs représentants ; je pourrais le faire, et nul ne pourrait m’en empêcher Mais à quoi bon ? Je n’ai cure de frapper : je suis hors d’état de prendre la peine de lever la main ! On dirait que je n’ai travaillé pendant tout ce temps que pour finir par un beau trait de magnanimité. Ce n’est pas cela du tout : j’ai perdu la faculté de jouir de leur destruction, et je suis trop paresseux pour détruire sans motif.

Nelly, un étrange changement se prépare, dont l’ombre me couvre en ce moment. Je prends si peu d’intérêt à la vie journalière que c’est à peine si je pense à manger et à boire. Les deux êtres qui viennent de