Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/444

Cette page n’a pas encore été corrigée

semblable satisfaction. Sa nature honnête ardente et intelligente, triomphait vite de l’ignorance et de la dégradation dans lesquelles il avait été élevé ; et les conseils sincères de Catherine aiguillonnaient son zèle. Son esprit, en s’éclairant, éclairait ses traits, leur donnait de la vivacité et de la noblesse : je pouvais à peine croire que ce fût là le même individu que j’avais vu le jour où j’avais découvert ma jeune maîtresse à Hurle-Vent, après son expédition aux rochers. Tandis que je les admirais et qu’ils travaillaient, la nuit approchait, et avec elle revint le maître, il arriva sur nous tout à fait à l’improviste, en entrant par la porte du devant, et put à loisir nous contempler tous les trois, avant que nous eussions levé la tête et l’eussions aperçu. Bon, me dis-je, jamais spectacle ne fut plus plaisant ni plus inoffensif ; et ce serait une vraie honte de gronder ces jeunes gens. La lueur rouge du feu éclairait leurs deux jolies têtes et montrait leurs visages animés d’un ardent intérêt d’enfants ; car, bien qu’il eût vingt-trois ans et elle dix-huit, tous deux avaient tant de sensations à découvrir, tant de nouveautés à apprendre, qu’aucun ne manifestait ni n’éprouvait les sentiments de la maturité rassise et désenchantée.

Ils levèrent les veux en même temps et aperçurent Mr Heathcliff. Peut-être n’avez-vous jamais observé que leurs yeux sont exactement semblables : ce sont ceux de Catherine Earnshaw. La Catherine actuelle n’a pas d’autre ressemblance avec elle, si ce n’est la largeur du front et une certaine courbure des narines qui lui donne l’air plutôt hautain, qu’elle le veuille ou non. Chez Hareton, la ressemblance est plus forte ; elle est remarquable en tous temps, et à ce moment-là elle était particulièrement frappante, parce que ses sens étaient