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fort peu, et sortit immédiatement après le repas en disant qu’il ne rentrerait pas avant le soir.

En son absence, les deux nouveaux amis s’installèrent dans la salle. J’entendis Hareton réprimander sérieusement sa cousine qui offrait de lui révéler la conduite de Heathcliff envers Hindley Earnshaw. Il dit qu’il ne souffrirait pas qu’on le dénigrât devant lui ; serait-il le diable, peu lui importait, il le soutiendrait, et il aimait mieux qu’elle l’insultât lui-même, comme elle avait accoutumé, que de la voir s’en prendre à Mr Heathcliff. À ces déclarations Catherine devint de mauvaise humeur ; mais il trouva moyen de la faire taire en lui demandant ce qu’elle dirait si lui, Hareton, parlait mal de son père à elle. Elle comprit alors qu’Earnshaw prenait vraiment à cœur la réputation du maître, qu’il lui était attaché par des liens trop forts pour que la raison pût les dénouer, des chaînes forgées par l’habitude et qu’il serait cruel d’essayer de desserrer. Elle fit preuve d’un bon cœur en évitant désormais les plaintes et les manifestations d’antipathie à l’égard de Heathcliff ; elle m’avoua ses regrets d’avoir tenté de semer la discorde entre lui et Hareton ; et vraiment je ne crois pas que, depuis lors, elle ait jamais prononcé, en présence de ce dernier, une syllabe contre son oppresseur.

Dès que ce petit désaccord fut aplani, ils redevinrent amis et consacrèrent la plus grande activité possible à leurs occupations d’élève et de professeur. Je vins m’installer près d’eux quand j’eus fini mon ouvrage, et j’éprouvai à leur vue une satisfaction si douce que je ne me rendis pas compte de la fuite du temps. Vous comprenez, tous deux étaient en quelque sorte mes enfants. J’avais été longtemps fière de l’une, et maintenant, j’en étais sûre, l’autre serait une source de