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Le jeune homme trouvait évidemment un peu dur d’être raillé à cause de son ignorance, et d’être encore raillé parce qu’il essayait d’y remédier. J’avais une impression analogue ; et, me rappelant l’anecdote de Mrs Dean sur la première tentative qu’il avait faite pour dissiper un peu les ténèbres où il avait été élevé, j’observai :

— Mais, Mrs Heathcliff, nous avons tous débuté, et nous avons tous trébuché et chancelé sur le seuil. Si nos maîtres nous avaient méprisés au lieu de nous aider, nous trébucherions et nous chancellerions encore.

— Oh ! je ne désire pas entraver ses progrès. Cependant il n’a aucun droit de s’approprier ce qui est à moi et de le rendre ridicule par ses grossières erreurs et ses fautes de prononciation. Ces livres, en prose ou en vers, me sont sacrés par d’autres souvenirs ; il me déplaît profondément qu’ils soient avilis et profanés dans sa bouche. Enfin, entre toutes les autres il a choisi, comme par pure malice, mes œuvres favorites, celles que j’aime le mieux à relire.

Pendant une minute, la poitrine de Hareton se souleva en silence. Il était agité par le pénible sentiment de son humiliation et par la colère, qu’il n’était pas facile pour lui de dompter. Je me levai et, dans l’intention courtoise de soulager son embarras, je me mis sur le pas de la porte, à regarder la vue. Il se leva aussi et sortit de la pièce ; mais il reparut bientôt, tenant dans ses mains une demi-douzaine de volumes qu’il jeta sur les genoux de Catherine en s’écriant :

— Prenez-les ! Je ne veux plus jamais en entendre parler, ni les lire, ni y penser !

— Je n’en veux plus, maintenant, répondit-elle. Ils s’