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Mais je suis heureuse d’en avoir une meilleure pour lui pardonner. Puis je sais qu’il m’aime, et c’est pour cela que je l’aime. Mr Heathcliff, vous n’avez personne pour vous aimer, vous ; et, si misérables que vous nous rendiez, nous aurons toujours la revanche de penser que votre cruauté vient de votre misère encore plus grande. Car vous êtes misérable, n’est-il pas vrai ? Seul, comme le démon, et envieux comme lui ! Personne ne vous aime, personne ne vous pleurera quand vous mourrez ! Je ne voudrais pas être à votre place !

Catherine parlait avec une sorte de triomphe sinistre. Elle semblait avoir résolu d’entrer dans l’esprit de sa future famille et de tirer plaisir des chagrins de ses ennemis.

— Vous vous repentirez bientôt, dit son beau-père, si vous restez ici une minute de plus. Dehors, sorcière, et prenez vos hardes !

Elle sortit avec un air méprisant. En son absence j’entrepris de demander la place de Zillah à Hurle-Vent, offrant de lui céder la mienne ; mais il ne voulut pas en entendre parler. Il m’enjoignit de me taire ; puis, pour la première fois, il jeta un coup d’œil circulaire sur la pièce et regarda les portraits. Après avoir examiné celui de Mrs Linton, il dit :

— Il faut que j’aie celui-là chez moi. Non que j’en aie besoin, mais…

Il se tourna brusquement vers le feu et continua avec ce que, faute d’un meilleur mot, j’appellerai un sourire :

— Je vais vous dire ce que j’ai fait hier. J’ai fait enlever, par le fossoyeur qui creusait la tombe de Linton, la terre sur son cercueil, à elle, et je l’ai ouvert. J’ai cru un instant que j’allais rester là : quand j’ai revu sa figure —