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— Vous prendrez du thé avant de partir, ajouta-t-il. Je suis seul. Hareton est allé aux Lees avec des bestiaux, Zillah et Joseph sont en excursion d’agrément. Quoique je sois habitué à la solitude, j’aime bien à avoir quelques hôtes intéressants, quand je le puis. Miss Linton, asseyez-vous près de lui. Je vous donne ce que j’ai : le présent n’est guère digne d’être accepté, mais je n’ai rien d’autre à offrir. C’est de Linton que je veux parler. Pourquoi cet air étonné ? C’est étrange, mais je me sens pris de sauvagerie envers tout ce qui paraît avoir peur de moi ! Si j’étais dans un pays où les lois fussent moins strictes et les goûts moins raffinés, je m’offrirais une lente vivisection de ces deux êtres, comme amusement d’une soirée.

Il respira profondément, frappa sur la table et jura, en se parlant à soi-même :

— Par l’enfer, je les hais !

— Je n’ai pas peur de vous, s’écria Catherine, qui n’avait pu entendre la fin de ce discours.

Elle s’approcha tout près de lui ; ses yeux noirs flamboyaient de passion et de décision.

— Donnez-moi cette clef ; je veux l’avoir. Je ne mangerai ni ne boirai ici, dussé-je périr d’inanition.

Heathcliff tenait la clef dans la main qui était restée posée sur la table. Il leva les yeux, saisi d’une sorte de surprise par cette hardiesse ; ou peut-être la voix et l’aspect de Catherine lui rappelaient-ils celle dont elle les avait hérités. Elle attrapa la clef et réussit à la dégager à moitié de ses doigts qui s’étaient desserrés. Mais cet acte le rappela au présent, et il la reprit rapidement.

— Allons ! Catherine Linton, dit-il, tenez-vous à distance, ou je vous envoie rouler à terre, ce qui rendra folle Mrs Dean.