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de dissimuler une vengeance pendant des années, de poursuivre méthodiquement ses plans sans éprouver de remords. Elle parut si frappée et révoltée de ce nouvel aspect de la nature humaine, exclu jusqu’à présent de toutes ses études et de toutes ses idées, que Mr Edgar jugea inutile de prolonger ses explications. Il ajouta simplement :

— Tu sauras désormais, ma chérie, pourquoi je désire que tu évites sa maison et sa famille. Retourne maintenant à tes occupations et à tes amusements habituels, et ne pense plus à eux.

Catherine embrassa son père et se mit à étudier tranquillement ses leçons pendant deux heures, selon son habitude ; puis elle l’accompagna dans la propriété et la journée se passa comme à l’ordinaire. Mais le soir, quand elle fut rentrée dans sa chambre et que j’allai chez elle pour l’aider à se déshabiller, je la trouvai en pleurs, à genoux au pied de son lit.

— Oh ! fi ! sotte enfant ! m’écriai-je. Si vous aviez de vrais chagrins, vous seriez honteuse de verser une larme pour cette petite contrariété. Vous n’avez jamais eu l’ombre d’une peine sérieuse, Miss Catherine. Supposez, pour une minute, que le maître et moi soyons morts et que vous restiez seule au monde ; qu’éprouveriez-vous alors ? Comparez l’occasion présente à une affliction comme celle-là, et rendez grâces au ciel des amis que vous avez, au lieu d’en convoiter d’autres.

— Ce n’est pas pour moi que je pleure, c’est pour lui. Il comptait bien me revoir demain et il va être si désappointé ! Il m’attendra, et je ne viendrai pas !

— Sottise ! Vous figurez-vous qu’il pense à vous autant que vous pensez à lui ? N’a-t-il pas en Hareton un compagnon ? Il n’y a pas une personne sur cent qui