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et je savais qu’à cause de moi il te détesterait ; aussi, dans ton propre intérêt, et sans aucun autre motif, avais-je pris mes précautions pour que tu ne revisses pas Linton. Je voulais t’expliquer cela un jour, quand tu serais plus grande, et je regrette d’avoir tant tardé.

— Mais Mr Heathcliff a été très cordial, papa, observa Catherine, qui n’était pas du tout convaincue ; il n’a fait aucune objection, lui, à ce que nous nous voyions. Il m’a dit que je pouvais venir chez lui quand je voudrais, seulement qu’il ne fallait pas que je vous le dise, parce que vous vous étiez querellé avec lui et que vous ne lui pardonniez pas d’avoir épousé ma tante Isabelle. Et c’est vrai. C’est vous qui êtes à blâmer. Lui, au moins, ne demande pas mieux que nous soyons amis, Linton et moi ; l’opposition vient de vous.

Mon maître, s’apercevant qu’elle ne croyait pas sur parole ce qu’il lui disait des mauvais sentiments de son oncle, lui fit un résumé succinct de la conduite de celui-ci envers Isabelle et de la façon dont Hurle-Vent était devenu sa propriété. Il lui était insupportable de s’appesantir longuement sur ce sujet ; car, bien qu’il en parlât rarement, il avait toujours pour son ancien ennemi l’horreur et la haine qui n’avaient cessé d’habiter son cœur depuis la mort de Mrs Linton. « Sans lui, elle vivrait peut-être encore ! » se disait-il sans cesse avec amertume ; et à ses yeux Heathcliff était un meurtrier. Miss Cathy — qui, en fait de mauvaises actions, ne connaissait que ses petites désobéissances, ses petites injustices, ses petites colères provoquées par la vivacité de son caractère ou par l’irréflexion, et dont elle se repentait le jour même — fut stupéfaite de cette noirceur d’âme capable de couver et