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De même qu’il accusait Catherine Earnshaw et Heathcliff, dans leur enfance, de mettre à bout la patience de son maître et de le pousser, par ce qu’il appelait leurs « offreuses manières », à chercher une consolation dans la boisson, de même à présent il rejetait tout le poids des fautes de Hareton sur les épaules de celui qui avait usurpé son bien. Hareton pouvait jurer, avoir la conduite la plus répréhensible, Joseph se gardait de le réprimander. Il semblait qu’il eût plaisir à le voir s’enfoncer dans le mal. Il reconnaissait que Hareton était irrémédiablement corrompu, que son âme était vouée à la perdition ; mais il se disait qu’après tout c’était Heathcliff qui en était responsable. C’est à lui que serait demandé compte de la ruine de cette âme ; et il y avait une immense consolation dans cette pensée. Joseph avait infusé à Hareton l’orgueil de son nom et de ses ancêtres. Il aurait, s’il eût osé, soufflé la haine entre lui et le possesseur actuel des Hauts ; mais la crainte qu’il avait de ce dernier allait jusqu’à la superstition et il ne manifestait ses sentiments envers lui qu’en marmottant des insinuations et en le dénonçant en son for intérieur à la vengeance divine. Je ne prétends pas être parfaitement au courant de la manière dont on vivait à cette époque-là à Hurle-Vent ; je n’en parle que par ouï-dire, car je n’ai pas vu grand’chose. Les villageois affirmaient que Mr Heathcliff était « serré » et se montrait dur et cruel envers ses fermiers. Mais la maison, à l’intérieur, avait repris sous une direction féminine l’aspect confortable qu’elle avait autrefois, et les scènes de désordres du temps de Hindley ne s’y reproduisaient plus. Le maître était d’humeur trop sombre pour chercher des relations, quelles qu’elles fussent, bonnes ou mauvaises ; et il n’a pas changé.