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Puis-je me fier à votre assertion, Isabelle ? Êtes-vous sûre que vous me haïssez ? Si je vous laissais seule pendant une demi-journée, ne vous verrais-je pas revenir à moi avec des soupirs et des cajoleries ? Je gage qu’elle aurait préféré que devant vous j’eusse affecté la tendresse ; sa vanité est blessée de voir la vérité dévoilée. Mais peu m’importe qu’on sache que la passion était tout entière d’un seul côté : là-dessus je ne lui ai jamais fait de mensonge. Elle ne peut pas m’accuser d’avoir montré la moindre amabilité trompeuse. La première chose qu’elle m’a vu faire, en quittant la Grange, a été de pendre sa petite chienne ; et, quand elle a intercédé en sa faveur, les premiers mots que j’ai prononcés ont été pour exprimer le vœu que tous les êtres qui lui étaient attachés fussent pendus, sauf un : peut-être a-t-elle pris l’exception pour elle-même. Mais aucune brutalité ne l’a rebutée ; je crois qu’elle en a l’admiration innée, à condition que sa précieuse personne soit à l’abri. Voyons, n’était-ce pas le comble de l’absurdité, de la stupidité, de la part de cette pitoyable, servile et basse créature, que de se figurer que je pourrais l’aimer ? Dites à votre maître, Nelly, que jamais de ma vie je n’ai rencontré d’être aussi abject qu’elle. Elle déshonore même le nom de Linton ; et c’est parfois un pur manque d’invention qui m’a arrêté quand j’essayais de voir ce qu’elle pouvait supporter tout en continuant à ramper avec une honteuse servilité. Mais dites-lui aussi, pour mettre à l’aise son cœur de frère et de magistrat, que je me tiens strictement dans les limites de la loi. J’ai évité jusqu’ici de lui donner le moindre droit à réclamer une séparation ; et, qui plus est, elle n’a besoin de personne pour se libérer. Si elle désirait s’en aller, elle le pourrait ; l’ennui que me cause sa présence surpasse