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salon déserté depuis plusieurs semaines et d’y installer une bergère au soleil près de la fenêtre. Puis il la descendit, et elle resta longtemps à jouir de la bienfaisante chaleur, ranimée, comme nous nous y attendions, par la vue des objets qui l’environnaient : objets qui, qui, bien que familiers, n’étaient pas associés aux lugubres souvenirs attachés à son odieuse chambre de malade. Vers le soir, elle parut très épuisée ; pourtant aucun argument ne parvint à la persuader de retourner dans cette dernière pièce, et je dus lui faire un lit sur le sofa du petit salon, en attendant qu’on ait pu lui installer une autre chambre. Pour lui épargner la fatigue de monter et de descendre l’escalier, nous préparâmes celle-ci, où vous êtes à présent, au même étage que le petit salon ; et bientôt elle fut assez forte pour aller de l’une à l’autre, appuyée au bras d’Edgar. Ah ! me disais-je, elle devrait se rétablir, soignée comme elle l’est. Et il y avait une double raison de le souhaiter, car de son existence en dépendait une autre : nous nourrissions l’espoir que, dans peu de temps, la naissance d’un héritier réjouirait le cœur de Mr Linton et soustrairait ses biens à la griffe d’un étranger.

Je dois relater qu’Isabelle adressa à son frère, quelque six semaines après son départ, un court billet annonçant son mariage avec Heathcliff. Ce billet semblait sec et froid ; mais à la fin était griffonnée au crayon une confuse excuse, et la prière d’un bon souvenir et d’une réconciliation, si sa conduite l’avait offensé. Elle ajoutait qu’elle n’avait pu agir autrement et que, maintenant que c’était fait, c’était irrémédiable. Linton ne lui répondit pas, je crois. Une quinzaine plus tard, je reçus une longue lettre qui me sembla étrange, de la part d’une jeune mariée qui venait à peine de terminer sa lune de miel. Je vais vous la lire, car je l’ai gardée.