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— Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! Que va-t-il arriver encore ? Maître, maître, notre jeune demoiselle…

— Pas tant de vacarme ! criai-je vivement, furieuse de sa bruyante démonstration.

— Parlez plus bas, Marie… qu’y a-t-il ? dit Mr Linton. Qu’est-il arrivé à votre jeune demoiselle ?

— Elle est partie, elle est partie ! Ce Heathcliff s’est enfui avec elle ! dit la fille en haletant.

— Ce n’est pas vrai ! s’écria Linton en se levant avec agitation. C’est impossible ; comment cette idée vous est-elle entrée dans la tête ? Hélène Dean, allez la chercher. C’est incroyable ; c’est impossible.

Tout en parlant, il conduisait la servante vers la porte, puis il lui demanda de nouveau de lui faire savoir les raisons d’une telle assertion.

— Eh bien ! j’ai rencontré sur la route un garçon qui vient chercher du lait ici, balbutia-t-elle, et il m’a demandé si nous n’étions pas dans l’inquiétude à la Grange. Je pensais qu’il voulait parler de la maladie de madame, et je répondis que si. Alors il me dit : « On s’est mis à leur poursuite, je pense ? » Je le regardai avec surprise. Il vit que je ne savais rien et il me raconta comment un monsieur et une dame s’étaient arrêtés chez un forgeron pour faire remettre un fer à un cheval, à deux milles de Gimmerton, peu après minuit, et comment la fille du forgeron s’était levée pour voir qui c’était : elle les avait reconnus aussitôt tous les deux. Elle vit l’homme — c’était Heathcliff, elle en était certaine : personne ne peut le confondre avec un autre, du reste — mettre en paiement un souverain dans la main de son père. La dame avait son manteau sur la figure. Mais elle demanda une gorgée d’eau et, pendant qu’elle buvait, le manteau retomba et laissa voir très distinctement ses traits. Heathcliff tenait les rênes des