Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/153

Cette page n’a pas encore été corrigée

encore dans sa mémoire, il ne m’identifiait pas avec elle.

Il leva son projectile pour le lancer ; je commençai un discours pour l’apaiser, mais je ne pus arrêter sa main. La pierre frappa mon chapeau. Puis, des lèvres balbutiantes du petit bonhomme sortit un chapelet de jurons proférés, qu’il les comprît ou non, avec une énergie qui révélait l’habitude et qui donnait à ses traits enfantins une révoltante expression de méchanceté. Vous pouvez penser que j’en fus plus affligée qu’irritée. Sur le point de pleurer, je tirai de ma poche une orange et la lui offris pour l’amadouer. Il hésita, puis me l’arracha des mains comme s’il s’imaginait que je voulais seulement le tenter et le désappointer. Je lui en montrai une autre, en la tenant hors de son atteinte.

— Qui t’a appris ces jolis mots, mon petit ? demandai-je. Le pasteur ?

— Le diable emporte le pasteur, et toi aussi ! Donne-moi ça ! répliqua-t-il.

— Dis-moi où tu as pris tes leçons et tu l’auras. Qui est ton maître ?

— Mon diable de papa.

— Et que t’apprend ton papa ?

Il sauta pour attraper le fruit. Je l’élevai un peu plus haut.

— Que t’apprend-t-il ? répétai-je.

— Rien, qu’à ne pas me trouver sur son chemin. Papa ne peut pas me souffrir parce que je jure après lui.

— Ah ! et c’est le diable qui t’apprend à jurer après ton papa ?

— Oui… non, grommela-t-il.

— Qui alors ?