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— Demain, je m’imaginerai avoir rêvé, s’écria-t-elle. Je ne pourrai pas croire que je vous ai vu, que je vous ai touché, que je vous ai parlé encore une fois. Et pourtant, cruel Heathcliff, vous ne méritez pas cet accueil. Rester trois ans absent, sans donner signe de vie, et sans jamais penser à moi !

— Un peu plus que vous n’avez pensé à moi, murmura-t-il. J’ai appris votre mariage, Cathy, il n’y a pas longtemps. Pendant que j’attendais en bas, dans la cour, je méditais ce projet : entrevoir simplement votre visage, recevoir en retour un regard de surprise, peut-être, et de plaisir affecté ; puis régler mon compte avec Hindley, et enfin prévenir la loi en me faisant justice moi-même. Votre accueil m’a fait sortir ces idées de l’esprit : mais prenez garde de ne pas me recevoir d’un autre air la prochaine fois ! Non, vous ne me chasserez plus. Vous étiez réellement inquiète de moi, n’est-ce pas ? Eh bien ! il y avait de quoi. J’ai mené un dur combat dans la vie, depuis le jour que j’ai cessé d’entendre votre voix ; il faut me pardonner, car c’est uniquement pour vous que je luttais !

— Catherine, si vous ne voulez pas que notre thé soit froid, venez à table, je vous prie, interrompit Linton en s’efforçant de conserver son ton habituel et un degré convenable de politesse. Mr Heathcliff a une longue course devant lui, quel que soit l’endroit où il loge cette nuit. Quant à moi, j’ai soif.

Elle prit sa place devant la théière. Miss Isabelle arriva, appelée par la cloche ; alors, après avoir avancé les chaises, je sortis. Le repas dura à peine dix minutes. La tasse de Catherine resta vide : elle était incapable de manger ou de boire. Edgar avait renversé son thé dans sa soucoupe et avala à peine une bouchée.