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Ces trois jeunes filles étaient à peine à un demi-mètre du bas de mon estrade, et comptaient parmi les plus grandes de la classe ; on les nommait Eulalie, Hortense et Caroline. Eulalie était grande et bien faite ; ses cheveux blonds encadraient une de ces figures de vierge qu’ont souvent représentées les peintres de l’école hollandaise ; pas un angle dans toute sa personne, rien qui dérangeât l’harmonie de ses lignes courbes, de ses formes arrondies ; pas même l’ombre d’un sentiment ou d’une pensée qui troublât la fraîcheur de son teint pâle et transparent ; sans les battements réguliers de sa poitrine et le mouvement de ses paupières, on aurait pu s’y tromper et la prendre pour quelque belle madone de cire.

Hortense, d’une taille moyenne et peu gracieuse, avait, plus de vivacité qu’Eulalie, et sa figure vous frappait davantage ; elle était brune, un peu haute en couleur, avec des yeux où pétillaient la folie et la malice ; elle pouvait avoir de la raison et du bon sens ; mais rien dans sa physionomie ne révélait ces qualités.

Caroline était petite, bien qu’évidemment parvenue au terme de sa croissance ; ses cheveux aussi noirs que l’aile d’un corbeau, ses yeux bruns, ses traits d’une régularité parfaite, sa peau olivâtre, unie et transparente sur le visage, pâle et mate sur le cou, formaient un ensemble que certaines personnes considèrent comme l’idéal de la beauté. Comment, avec cette pâleur et cette pureté de lignes vraiment classique, arrivait-elle à paraître voluptueuse ? je ne saurais l’expliquer. Peut-être ses lèvres et ses yeux s’entendaient-ils pour produire ce résultat qui ne restait douteux pour aucun spectateur : sensuelle aujourd’hui, elle serait galante avant dix ans ; l’histoire de ses folies futures était déjà gravée sur son visage.

Si je considérais ces trois jeunes filles d’un air calme,