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mes journées était le véritable fléau de mon existence. J’allais donc vivre ! Je m’éloignai rapidement de M. Pelet ; et, tandis que je franchissais l’étroit couloir, j’entendis son rire, un véritable rire français, libertin et moqueur.

Une minute après, je sonnais à la porte voisine et j’étais introduit de nouveau dans le vestibule que j’avais vu la veille. Je suivis la portière qui descendit une marche, tourna à gauche et me fit entrer dans une espèce de corridor ; une porte latérale s’ouvrit, et Mlle Reuter, aussi gracieuse que potelée, apparut à mes yeux. Une simple robe de mousseline de laine dessinait admirablement sa taille ronde et son buste aux proportions heureuses ; un col et des manchettes de dentelle complétaient sa toilette, et de charmantes bottines parisiennes faisaient valoir son pied délicat et bien fait ; mais quelle gravité sur sa figure ! Un air affairé, un regard froid et presque sévère remplaçaient la grâce et l’affabilité que je m’attendais à voir ; le « bonjour, monsieur » qu’elle m’adressa fut assurément très-poli, mais il avait quelque chose de si méthodique et de si banal qu’il étendit comme un linge mouillé sur mes vives impressions. La portière s’était retirée en apercevant sa maîtresse, et je marchais lentement à côté de l’institutrice.

« C’est la première classe qui prendra sa leçon aujourd’hui, me dit Mlle Reuter ; je crois que la lecture et la dictée sont les exercices qui vous conviendront le mieux, d’autant plus qu’un professeur éprouve toujours un certain embarras lorsqu’il se trouve en face d’élèves dont il ignore les moyens et le degré d’instruction. »

L’expérience me démontra qu’elle avait bien jugé ; quant à présent, je ne pouvais qu’approuver et me soumettre. Au bout du corridor se trouvait une grande