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tout en descendant l’escalier, je me demandais quel caprice avait pu entrer dans le cerveau de la vieille dame.

Son fils était allé passer la soirée à la société philharmonique ou à je ne sais quel autre club dont il faisait partie ; ce n’était donc pas pour nous réunir qu’elle m’avait fait appeler. Une idée bizarre me traversa l’esprit tout à coup, au moment où je posais la main sur le bouton de la serrure du cabinet de Mme Pelet.

« Si elle allait me parler d’amour ! pensai-je. J’ai entendu raconter de singulières choses à ce sujet de là part de vieilles femmes ; et ce goûter ! n’est-ce pas la fourchette à la main qu’elles entament généralement ce genre d’affaires ? »

Un véritable effroi s’empara de toute ma personne, et je me serais certainement enfui dans ma chambre dont j’aurais verrouillé la porte, si je m’étais appesanti sur cette idée ; mais devant un danger inconnu, quelle que soit la terreur qu’il m’inspire, j’éprouve le besoin de l’envisager en face, de m’assurer de toute son étendue, et je réserve la fuite pour le cas où mes pressentiments auront été justifiés. Je tournai donc le bouton de la serrure, et, franchissant la porte fatale, je me trouvai en présence de la mère de mon chef.

Bonté divine ! le premier coup d’œil que je lui jetai sembla confirmer toutes mes appréhensions : elle avait sa robe de mousseline vert pomme, son bonnet de dentelle garni de roses rouges ; et sur la table, mise avec un soin scrupuleux, j’apercevais des fruits, des gâteaux, du café, une bouteille de quelque chose, probablement très-doux. La sueur froide perlait déjà sur mon front et je dirigeais mon regard vers la porte, quand, à mon indicible soulagement, mes yeux rencontrèrent le visage d’un tiers assis auprès du poêle. C’était une femme et, qui plus est, une vieille femme, aussi rubi-