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ses pieds ; mais voulait-elle sortir le dimanche et les jours de fête, par exemple, elle endossait une robe de belle étoffe aux couleurs éclatantes, s’affublait d’un grand châle et d’un chapeau couronné de fleurs, sans que le résultat fût plus avantageux. Ce n’était point une méchante femme, mais une bavarde sempiternelle, indiscrète à l’excès ; elle ne quittait guère la cuisine et paraissait fuir la présence de son auguste fils, de qui elle avait une crainte respectueuse, et qui parfois la tançait vertement : par bonheur, il était rare qu’il s’en donnât la peine.

Mme Pelet avait sa société particulière, ses visiteurs, qu’elle recevait dans ce qu’elle appelait son cabinet, une petite pièce caverneuse attenante à la cuisine et dans laquelle on entrait en descendant plusieurs marches ; il m’est arrivé bien souvent de trouver Mme Pelet établie sur la première de ces marches, un couteau à la main, une assiette de bois sur les genoux, absorbée par la triple occupation de manger, de causer avec la bonne et de gronder la cuisinière. Elle ne s’asseyait jamais à la table de son fils, et ne paraissait pas même au réfectoire pendant les repas des élèves. Ces détails sonneront assez mal à des oreilles anglaises ; mais nous sommes en Belgique, non pas en Angleterre, et la coutume des deux pays est loin d’être la même.

Cette manière de vivre m’étant bien connue, je fus excessivement surpris, lorsqu’un jeudi soir (le jeudi était toujours un demi-congé) quelqu’un ayant frappé à la porte de ma chambre où je corrigeais les cahiers de mes élèves, je vis entrer la servante, qui, après m’avoir présenté les compliments de sa maîtresse, me dit que Mme Pelet me priait de venir goûter avec elle dans son cabinet particulier.

« Plaît-il ? » m’écriai-je, pensant avoir mal entendu ; l’invitation fut répétée ; je suivis la bonne, et,