Page:Brontë - Le Professeur.djvu/78

Cette page n’a pas encore été corrigée

çonnais le tranchant de l’acier ou la dureté du caillou sous le velours (qui d’entre nous est parfait ?), je ne me sentais pas le courage, en sortant de cette atmosphère d’insolence et de brutalité qui m’enveloppait à X…, de chercher à découvrir des défauts que l’on me cachait scrupuleusement. J’étais résolu à prendre M. Pelet pour ce qu’il voulait paraître, à le croire bienveillant, affectueux même, jusqu’au moment où il me donnerait la preuve du contraire. Il était célibataire, et je m’aperçus bientôt qu’il avait, à l’endroit des femmes et du mariage, toutes les idées françaises, toutes les notions d’un Parisien ; il y avait même dans sa voix, lorsqu’il parlait du beau sexe, une froideur, ou quelque chose de blasé, qui ne me donnait pas très-bonne opinion de ses principes et de ses mœurs ; mais il était trop bien élevé pour insister sur un sujet qui me déplaisait, et, comme il avait à la fois de l’esprit et de l’instruction, il nous était facile de causer des heures entières sans aller chercher dans la fange nos sujets d’entretien. Je détestais la manière dont il parlait de l’amour ; j’ai toujours eu en horreur les propos licencieux ; il le comprit, et, d’un mutuel accord, nous évitâmes tout ce qui pouvait nous ramener sur ce terrain glissant.

La maison de M. Pelet, l’office et la lingerie étaient dirigées par sa mère, une vieille Française, qui autrefois avait été jolie, du moins elle le disait, et je m’efforçais de le croire. Elle était fort laide à l’époque où je l’ai connue, et de cette laideur particulière aux vieilles femmes du continent ; peut-être aussi la manière dont elle s’habillait la rendait-elle encore plus laide qu’elle ne l’était vraiment : toujours sans bonnet dans la maison, en dépit de ses cheveux gris, et toujours échevelée, ne portant jamais chez elle qu’une vieille camisole de cotonnade et traînant des savates qui ne tenaient pas à