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ferme et sévère ; quand on regarde un chien avec dureté pendant quelques minutes, il ne tarde pas à manifester l’embarras qu’il éprouve ; et mes jeunes Belges montrèrent bientôt les symptômes d’un malaise évident ; c’était ce que j’attendais ; lorsque je vis les figures s’allonger et s’assombrir, je joignis lentement les mains et je m’écriai d’une voix de poitrine : « Quelle horreur ! mais c’est affreux ! »

Ils se regardèrent en rougissant, firent la moue et balancèrent leurs talons ; certes, ils étaient mécontents ; mais j’avais fait sur eux l’impression que je désirais produire ; il ne me restait plus qu’à me placer dans leur propre estime à la hauteur d’où je venais de les faire descendre, et la chose était difficile à un homme qui avait peur de se trahir par son mauvais langage.

« Écoutez, messieurs ! » repris-je en mettant dans ma voix la pitié qu’un être supérieur éprouve pour celui dont l’ignorance avait d’abord excité son mépris ; et recommençant le premier chapitre du Vicaire de Wakefield, j’en lus quelque vingt pages d’une voix lente et distincte, qu’ils écoutèrent avec la plus grande attention.

Quand la leçon eut duré près d’une heure, je me leyai gravement :

« C’est assez pour aujourd’hui, messieurs, leur dis-je ; demain nous recommencerons, et j’espère que je serai plus satisfait. »

Je saluai mes élèves, et je sortis de la classe avec M. Pelet.

« À merveille ! me dit mon principal, quand nous fûmes rentrés dans le parloir ; vous avez fait preuve d’habileté, monsieur, et je vous en félicite ; car, dans l’instruction, l’adresse vaut autant que le savoir. »

Il me conduisit ensuite à la chambre que je devais occuper. C’était une fort petite pièce, meublée d’un lit