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n’existaient pas alors), je regardais avec délices ; que voyais-je se dérouler devant moi ? je vous le dirai sincèrement : des marécages pleins de roseaux, des champs fertiles, que le morcellement de la culture faisait ressembler à d’immenses potagers ; des arbres taillés comme des saules ébranchés, limitant l’horizon ; d’étroits canaux glissant lentement à côté de la route ; des maisons de ferme peintes de diverses couleurs ; des chaumières dégoûtantes, un ciel gris, d’une teinte morte ; de l’eau sur le chemin, dans les champs, sur les toits ; pas un seul objet qui fût agréable à voir ; et cependant pour moi le paysage était mieux que pittoresque, je lui trouvais de la beauté. Cette impression dura jusqu’à la nuit, malgré l’humidité des jours précédents, qui avait détrempé le sol et fait un marais du pays tout entier ; la pluie recommença vers le soir, et c’est au milieu des ténèbres les plus profondes et sous un ciel fondant en eau, que j’arrivai à Bruxelles dont j’entrevis seulement les réverbères. Un fiacre me conduisit à l’hôtel delà Croix-Verte, qui m’avait été indiqué par un compagnon de route ; j’y soupai copieusement, et j’allai me coucher et dormir d’un sommeil de voyageur. Le lendemain matin, je m’éveillai avec la conviction que j’étais encore à X… Il faisait grand jour, et, persuadé que j’avais oublié l’heure et que j’arriverais trop tard à mon bureau, je sautai de mon lit en toute hâte. Cette impression pénible s’évanouit devant le sentiment de ma liberté, lorsqu’après avoir écarté mes rideaux je promenai mes regards autour de la pièce où je me trouvais alors : quelle différence avec la petite chambre enfumée, bien qu’assez confortable, où j’avais passé deux nuits à Londres en attendant le paquebot ! Loin de moi, pourtant, de profaner le souvenir que j’en ai conservé ; pauvre petite chambre ! c’est là que, gisant dans l’om-