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émotions depuis longtemps endormis, s’élèvent entourés d’une auréole ; mais tandis que, l’œil fixé sur leurs formes vaporeuses, j’essaye de les reconnaître, elles s’affaissent comme le brouillard absorbé par la terre, et s’éteignent avec le son qui les a suscitées.

Lecteur, nous sommes en Belgique ; ne dites pas que le pays est plat et ennuyeux ; ce n’est point ainsi qu’il m’apparut la première fois que je le contemplai. Rien ne pouvait m’être insipide, le jour où, par une belle matinée de février, je quittai la ville d’Oslende et me trouvai sur la route de Bruxelles ; je possédais à cette époque une faculté de jouir d’une extrême puissance, dont rien n’avait émoussé la sensibilité ; j’étais jeune, d’une santé parfaite, je ne connaissais aucun plaisir, la liberté me souriait pour la première fois, et son influence vivifiante décuplait mes forces et mon courage ; je ne doutais de rien ; je ressentais ce qu’éprouve le voyageur en gravissant la montagne d’où il est sûr de voir lever le soleil dans toute sa gloire : qu’importe que le sentier soit rocailleux ? il ne l’aperçoit pas ; ses regards sont rivés au sommet que rougissent déjà les rayons dont il va contempler la splendeur ; nulle déception à craindre ; il est certain de se trouver face à face avec le soleil ; et la brise qui rafraîchit son front prépare au dieu du jour un vaste sentier d’azur, au milieu des nuages irisés qui flamboient à l’horizon.

Je n’ignorais pas que le travail était ma destinée, et je comptais sur de nombreux obstacles ; mais, soutenu par mon courage, attiré par l’espérance, je ne me plaignais pas de mon sort. Je gravissais la colline dans l’ombre ; je rencontrais des épines et des cailloux sous mes pas : pourquoi m’en occuper ? mes yeux ne voyaient que le ciel, et j’oubliais les pierres qui me déchiraient les pieds, les ronces qui me lacéraient le visage.

La tête sans cesse à la portière (les chemins de fer