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me qualifiant d’aristocrate sans sou ni maille et sans cœur ; ce à quoi je ripostai en l’accusant de m’avoir retiré le pain de la bouche. « Votre pain, malheureux ! s’écria-t-il, mais il était empoisonné ; vous le receviez des mains d’un tyran ; car je vous le répète, Crimsworth n’est pas autre chose : tyran de ses ouvriers, tyran de ses commis, et, un jour ou l’autre, il le deviendra de sa femme.

— Que m’importe, monsieur ! le pain est du pain ; et, grâce à votre manie de réformateur, j’ai perdu celui qui me faisait vivre.

— Ce que vous dites là est assez raisonnable, reprit Hunsden ; je suis agréablement surpris de vous entendre faire une observation qui prouve autant de bon sens ; je m’étais imaginé, d’après ce que j’avais vu jusqu’ici de votre caractère, que la joie de recouvrer votre liberté aurait, au moins pour quelque temps, effacé de votre esprit toute idée de prévoyance ; cette préoccupation du nécessaire ajoute encore à l’estime que vous m’avez inspirée.

— Comment pourrais-je faire autrement ? Il faut bien que je vive, que je me procure le nécessaire dont vous parlez ; je ne puis y arriver qu’en travaillant ; et, je vous le répète, vous m’avez ôté le pain de la bouche en me faisant perdre ma place.

— Quelles sont vos intentions ? poursuivit-il froidement. Vous avez des parents qui ont de l’influence ; ne pourraient-ils pas vous placer avantageusement ?

— Des parents influents ? Qui cela ? je voudrais bien les connaître !

— Les Seacombe.

— J’ai rompu avec eux. »

Hunsden me regarda d’un air incrédule.

« Rompu avec eux, et définitivement, lui répétai-je.