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Hunsden n’ont jamais eu leurs pareils pour traquer un coquin ; tout lâche scélérat est leur proie naturelle ; dès qu’ils l’ont rencontré, il faut qu’ils le poursuivent et le mènent jusqu’aux abois. Vous me demandiez tout à l’heure de quoi je me mêlais, parce que je m’intéresse à vos affaires ? Cette question nous a toujours été adressée de père en fils ; se mêler des affaires des autres, c’est le caractère distinctif de notre famille ; nous avons l’odorat fin pour découvrir les abus ; nous sentons un fourbe à la distance d’un mille ; nous sommes réformateurs par nature ; il faut absolument que nous redressions tous les torts ; et il m’est impossible d’habiter la même ville que Crimsworth, de me trouver chaque semaine avec lui, d’être, témoin de sa conduite envers vous, bien que vous me soyez personnellement indifférent, sans que le démon ou l’ange de ma race s’agite en moi-même. J’ai donc suivi mon instinct ; je me suis opposé à un tyran et j’ai brisé une chaîne. »

Ces paroles m’intéressaient vivement ; elles me révélaient à la fois et le caractère d’Hunsden et les motifs qui l’avaient fait agir ; elle m’intéressaient même au point qu’absorbé par les idées qu’elles faisaient naître dans mon esprit, j’oubliai d’y répondre.

« M’êtes-vous reconnaissant ? » me demanda-t-il enfin, voyant que je persistais dans mon silence. Il est certain qu’au fond je ressentais pour lui une véritable gratitude, presque de l’amitié, malgré le soin qu’il avait eu de me dire que c’était par amour de la justice et non pour moi qu’il avait agi de la sorte ; mais la nature humaine est perverse : au lieu de répondre par l’affirmative, je lui dis au contraire que je ne me sentais nullement disposé à la gratitude ; et je l’engageai, s’il désirait avoir la récompense de son dévouement chevaleresque, à la chercher dans un monde meilleur, car il n’était pas probable qu’il la trouvât dans celui-ci. Il me répliqua en