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« Vous me devez de la reconnaissance, me dit-il sans autre préambule.

— J’espère, lui répondis-je, que la dette n’est pas lourde ; je suis trop pauvre pour contracter un engagement quelconque, je ne pourrais pas y faire honneur.

— Dans ce cas-là, mettez-vous en faillite ; car vous me devez énormément : vous n’aviez pas de feu lorsque je suis arrivé, j’en ai fait faire, et j’ai forcé votre maritorne à souffler jusqu’à ce qu’enfin il brûlât convenablement ; remerciez-moi, c’est le moins que vous puissiez en pareille occasion.

— Lorsque j’aurai soupé ; j’ai trop faim actuellement ; je ne puis remercier personne tant que je n’aurai pas mangé. »

Et sonnant la bonne, je lui dis de m’apporter de la viande froide et de me servir le thé.

« De la viande froide ! s’écria Hunsden, quand la servante fut sortie. Quel glouton vous faites ! de la viande et du thé ! mais vous allez mourir d’indigestion.

— Non, monsieur Hunsden, non ; je digérerai fort bien, soyez tranquille. »

J’éprouvais le besoin de le contredire ; j’étais irrité par la faim, irrité de le voir chez moi, irrité de la franchise de son langage.

« C’est parce que vous mangez trop que vous avez un si mauvais caractère, poursuivit-il.

— Qu’en savez-vous ? Cela vous ressemble bien, répondis-je, de trancher la question sans la connaître ; tel que vous me voyez, je n’ai pas encore dîné ; mais de quoi vous mêlez-vous ? »

J’avais dit ces mots d’un ton rogue et avec un certain emportement. Hunsden me regarda et se mit à rire.

« Pauvre garçon ! dit-il d’une voix plaintive ; n’avoir point encore dîné ! Son maître n’aura pas voulu qu’il