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cher afin de rétablir l’équilibre entre le physique et le moral. Je m’éloignais rapidement, le cœur déchargé d’un poids énorme ; je me sentais libre ; je venais de rompre ma chaîne sans que ma dignité personnelle eût reçu la moindre atteinte ; l’avenir se déployait devant moi, les murailles noircies de la Close ne bornaient plus mon horizon ; j’avais échangé cette enceinte fumeuse pour les champs sans limites où je me trouvais alors. Je levai les yeux, j’arrivais à Grovetown, un village de villas situé à cinq milles de X… La fin du jour approchait, un brouillard pénétrant s’élevait de la rivière que côtoyait la route, et couvrait la terre d’une ombre épaisse ; mais l’azur du ciel n’en était pas assombri ; un calme profond régnait partout ; les ouvriers travaillaient encore dans les usines ; l’eau bouillonnante troublait seule le silence, car la rivière était profonde et gonflée ; je m’arrêtai, pour regarder son onde rapide et tumultueuse, et je gravai dans ma mémoire la scène que j’avais sous les yeux, afin d’en conserver le souvenir. Quatre heures sonnèrent à l’horloge de Grovetown ; les derniers rayons du soleil glissaient à travers les branches nues des vieux chênes qui entouraient l’église, et donnaient au paysage le caractère que je souhaitais en ce moment ; j’attendis, immobile, que le dernier son de la cloche s’éteignît dans les airs ; puis l’oreille, les yeux et le cœur satisfaits, je quittai le mur où j’étais appuyé, et je repris le chemin qui conduisait à X…