Page:Brontë - Le Professeur.djvu/50

Cette page n’a pas encore été corrigée

ques instants de l’air d’un taureau furieux qui s’étonne de se sentir maîtrisé ; puis il se redressa, pensant, après tout, que son argent lui donnait une supériorité suffisante sur un pauvre hère comme moi, et qu’il possédait un moyen plus sûr et plus digne de se venger que de s’aventurer à me châtier corporellement.

« Sortez de chez moi, dit-il ; retournez dans votre paroisse, comme un gueux que vous êtes ; mendiez, volez, mourez de faim ou soyez transporté ; faites ce qui vous plaira ; mais, si j’apprends jamais que vous ayez remis le pied sur un pouce de terre qui m’appartienne, je vous ferai bâtonner comme un chien.

— Il n’est pas probable que je vous en donne l’occasion, répondis-je ; une fois hors de chez vous, qui me tenterait d’y revenir ? Je quitte une prison, un tyran détesté ; rien de ce qui m’attend ne saurait être aussi odieux que l’existence avec laquelle je brise : ne craignez donc pas mon retour.

— Partez, où je vous fais sortir de force, » s’écria-t-il exaspéré.

Je me dirigeai tranquillement vers mon pupitre, je mis dans mes poches tout ce qui m’appartenait, je refermai le pupitre et j’en posai la clef sur la table.

« N’emportez rien d’ici, laissez tout à sa place, ou je vous fais arrêter et fouiller par un agent de police.

— Regardez si rien ne vous manque, » répondis-je ; et prenant mon chapeau, après avoir mis mes gants, je sortis du bureau pour n’y jamais rentrer.

Je me rappelle qu’au moment où la cloche avait sonné, quelques minutes avant l’entrée de M. Crimsworth, mon appétit se faisait vivement sentir, et que j’attendais avec impatience le signal du dîner ; à présent je n’avais plus faim : la scène que je venais d’avoir avec mon patron avait effacé l’image attrayante du gigot aux pommes de terre ; mais j’avais besoin de mar-