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aviez hérité d’un manoir, d’un domaine et d’un titre, comme vous auriez maintenu vos droits, soutenu les privilèges de votre caste, élevé vos tenanciers dans le respect du peerage ! comme vous vous seriez opposé aux progrès, à l’avancement du peuple ! et que vous auriez bien défendu les bases pourries et croulantes de l’ordre nobiliaire, eût-il fallu pour cela marcher jusqu’au genou dans le sang des roturiers ! mais vous êtes sans pouvoir, échoué sur la grève du commerce, obligé de lutter avec des hommes qui vous écraseront toujours, car vous ne serez jamais un habile négociant. »

La première partie du discours de Hunsden ne me produisit aucune impression : je m’étonnai seulement de voir combien le préjugé faussait le jugement qu’il portait sur mon caractère ; mais sa dernière phrase me porta un coup d’autant plus vif qu’elle exprimait la vérité ; et, si je souriais actuellement, c’était de dédain pour moi-même.

Hunsden vit l’avantage qu’il venait de remporter, et continua sur le même ton :

« Vous n’arriverez jamais à rien dans le commerce, dit-il, à rien de plus qu’au pain sec et à l’eau claire qui vous font vivre aujourd’hui ; la seule chance que vous ayez de vous créer une position, c’est d’épouser une veuve ayant de la fortune, ou d’enlever une héritière.

— Je laisse la pratique de ces moyens à ceux qui les imaginent, répondis-je en me levant.

— Et c’est une faible chance, ajouta-t-il froidement. Vous ne trouveriez pas la veuve, encore moins l’héritière. Vous n’êtes pas assez séduisant pour réussir dans le premier cas, pas assez audacieux pour l’emporter dans le second. Peut-être comptez-vous sur votre distinction et sur votre intelligence ; portez votre air intelligent et distingué sur la place, et dites-moi ensuite à quel prix on l’a coté. »