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êtes-vous tellement fossilisé que vous ne ressentiez jamais le désir de voir une feuille ou une fleur ?

— Je ne suis pas du tout un fossile.

— Qu’êtes-vous alors ? Vous restez du matin au soir, dans le bureau de Crimsworth, à gratter du papier, sans plus bouger qu’un automate ; ne demandant pas un jour de congé, ne prenant pas un plaisir ; toujours seul, oubliant qu’il existe de joyeux compagnons et ne sachant pas même boire.

— Et vous, monsieur Hunsden ?

— Je suis dans une position toute différente de la vôtre ; c’est une sottise que de vouloir comparer votre situation à la mienne ; et je maintiens mon dire : un homme qui endure patiemment ce qui devrait être insupportable, n’est qu’un fossile et rien de plus.

— Qui vous a dit que je souffrais avec patience ?

— Vous supposez donc que vous êtes un mystère ? L’autre soir vous vous étonniez de ce que je savais à quelle famille vous appartenez ; aujourd’hui vous vous émerveillez de ce que votre patience m’est connue. Quel usage pensez-vous donc que je fasse de mes yeux et de mes oreilles ? Je me suis trouvé plus d’une fois dans votre bureau, au moment où Crimsworth vous traitait comme un chien ; par exemple, il vous demandait un livre, et, si vous vous trompiez de volume, il vous le jetait à la face ; il vous faisait ouvrir et fermer la porte comme si vous eussiez été son valet ; je ne dis rien de votre position chez lui, au bal qu’il a donné, où vous n’avez eu ni place ni danseuse, où vous erriez comme un pauvre subalterne sans savoir sur quel pied vous poser ; et avec quelle patience vous supportez tout cela !

— Concluez, monsieur Hunsden.

— La conclusion à tirer dépend de votre caractère, et de la nature des motifs qui dirigent votre conduite.