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tage, car M. Hunsden appela mon attention sur un autre sujet.

« Vous allez prendre quelque chose, me dit-il ; vous devez en avoir besoin après avoir couru je ne sais où, par cette nuit canadienne ; toutefois je ne vous servirai ni eau-de-vie, ni porto, ni xérès : je ne possède aucun de ces poisons-là ; mais vous pouvez choisir entre une bouteille de vin du Rhin et une tasse de café. »

J’étais encore, à ce sujet, du même avis que M. Hunsden ; de tous les usages adoptés généralement, l’un de ceux qui me sont le plus antipathiques, est l’habitude où l’on est de s’imbiber de spiritueux et de vins alcooliques ; néanmoins, son nectar acide et tudesque ne me séduisait pas non plus, et je demandai du café.

M. Hunsden parut évidemment satisfait de mon choix ; il s’attendait à me voir désappointé en apprenant qu’il ne possédait ni vin d’Espagne ni liqueurs, et il me regarda en face pour se convaincre de la sincérité de ma demande, et se persuader qu’elle n’était pas le résultat d’une politesse affectée. Je compris sa pensée et je lui répondis par un sourire ; il sonna ; un plateau fut apporté quelques instants après. Une grappe de raisin et une demi-pinte d’une boisson acidulée formaient son repas du soir ; quant à ma tasse de café, elle était excellente ; je lui en fis mon compliment, et je ne lui cachai pas l’espèce de frisson que me donnait son souper d’anachorète. Un de ces nuages auxquels j’ai fait allusion en décrivant sa personne éteignit son sourire et remplaça par un regard distrait, qui ne lui était pas ordinaire, la finesse et la gaieté railleuse de son coup d’œil habituel. Je ne l’avais jamais observé avec beaucoup d’attention ; j’ai d’ailleurs la vue basse, et il ne me restait dans la mémoire qu’une idée vague de son ensemble et de sa physionomie ; en l’examinant avec soin, je fus surpris de la délicatesse toute féminine