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s’élevaient dans mon âme et répétaient sans cesse les mêmes paroles : « C’est une vie intolérable, disait l’une. « Que faire pour la changer ? » répondait l’autre. Je marchais très-vite, nous étions au mois de janvier, et il faisait horriblement froid. Je venais d’entrer dans la rue que j’habitais, lorsque l’idée me vint tout à coup de me demander si mon feu serait allumé ; je levai les yeux vers les fenêtres de ma chambre : pas la moindre lueur n’en rougissait les vitres.

« Cette abominable servante l’a encore oublié, pensai-je, elle n’en fait jamais d’autres. » Et, peu attiré par les cendres froides que je trouverais en rentrant, je continuai ma promenade.

Il faisait une belle nuit ; les rues étaient sèches, la lune montrait son croissant près de la tour de l’église, et des millions d’étoiles scintillaient vivement sur tous les points du ciel. Je dirigeai mes pas du côté de la campagne sans en avoir conscience ; arrivé dans Grove-Street, je ressentais un vif plaisir en distinguant dans l’ombre la silhouette des arbres qui se trouvaient à l’extrémité de la rue, quand une personne, appuyée sur la grille de l’un des petits jardins qui précèdent les jolies maisons de ce faubourg, m’adressa la parole d’un ton vif et enjoué.

« Où diable courez-vous donc ainsi ? Loth n’a pas quitté Sodome avec plus de précipitation, au moment où le feu du ciel brûla cette ville maudite. »

Je m’arrêtai pour voir quel était l’individu qui m’adressait la parole : je sentis l’odeur d’un cigare et j’en aperçus l’étincelle ; un homme se penchait de mon côté, et sa grande taille se dessinait vaguement au milieu de la nuit étoilée.

« Quant à moi, je viens méditer au désert, reprit cette ombre. C’est une froide besogne, par le temps qu’il fait ; surtout quand, au lieu de Rébecca perchée