pour gouverner ses passions et pour lui faire acquérir le don précieux de se dominer soi-même. Frances ne donne aucun nom à ce quelque chose qui caractérise la nature de son fils ; et, quand l’esprit de révolte se manifeste par les grincements de dents, le feu du regard et la colère que fait naître chez lui le désappointement ou la douleur, elle le prend dans ses bras, ou l’emmène se promener dans les bois ; seule avec lui, elle le raisonne de sa voix persuasive, elle le regarde avec tendresse, et Victor est infailliblement ramené à la douceur. Mais est-ce la raison et l’amour que le monde opposera plus tard à la violence de l’homme ? non ; l’éclair de ses yeux noirs, le nuage de son front, le frémissement de ses lèvres, n’appelleraient sur lui que des coups au lieu de caresses ; mieux vaut donc la souffrance salutaire d’où il sortira meilleur un jour.
Quant à présent, je le vois là-bas sous le hêtre à côté de son ami Hunsden ; celui-ci a la main appuyée sur l’épaule de l’enfant, et Dieu sait quel principe il lui glisse à l’oreille. Victor l’écoute en souriant, il est charmant ainsi ; jamais il ne ressemble autant à sa mère que lorsqu’il vient à sourire : quel dommage que le soleil brille si rarement ! Victor a une préférence marquée pour Hunsden, plus vive peut-être qu’il ne serait à désirer. Frances ne regarde pas sans inquiétude cette liaison tant soit peu dangereuse ; quand elle voit son fils sur les genoux de Hunsden, ou appuyé contre lui, elle va et vient, rôdant autour d’eux avec anxiété, comme une colombe qui cherche à protéger sa couvée contre l’oiseau de proie qui la menace ; elle voudrait que Hunsden eût des enfants, pour qu’il pût comprendre le danger qu’il y a d’exciter leur orgueil et d’encourager leurs caprices.
Elle approche de ma fenêtre, elle écarte le chèvrefeuille qui en cache à demi les vitraux, et m’annonce