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nuscrit dans mon tiroir ; quelques lignes seulement, car je viens d’entendre le cliquetis des cuillers que l’on met près des assiettes. Victor est aussi loin d’être un joli enfant, que moi d’être un bel homme, ou sa mère une jolie femme : il est maigre et pâle, avec de grands yeux bruns comme ceux de Frances, et enfoncés comme les miens ; il est très-mince, un peu grand pour son âge, mais bien proportionné et d’une santé parfaite. Je n’ai jamais vu d’enfant sourire moins fréquemment et froncer les sourcils d’une manière plus prononcée que Victor, lorsqu’il a le front penché au-dessus d’un livre qui l’intéresse, ou qu’il écoute un récit d’aventures merveilleuses, un combat ou un voyage que lui raconte sa mère ou son ami Hunsden. Mais, bien gu’il soit tranquille et sérieux, il n’est pas triste, encore moins malheureux ; il possède au contraire une faculté de ressentir la joie qui arrive à l’enthousiasme et qui m’effraye souvent. II a appris à lire d’après l’ancienne méthode, dans un vieil alphabet posé sur les genoux de sa mère ; et il a fait des progrès si rapides, qu’on n’a pas eu besoin de recourir aux lettres d’ivoire, aux images et autres moyens de séduction qu’on emploie aujourd’hui. À peine a-t-il su lire qu’il a dévoré tous les livres qu’on lui a donnés ; son amour pour la lecture paraît encore s’accroître ; ses joujous sont peu nombreux, il n’en désire pas davantage : mais il aime réellement ceux qu’il possède, et la tendresse qu’il porte à deux ou trois animaux acquiert la puissance d’une véritable passion. M. Hunsden lui donna un jour un petit chien qu’il nomma Yorke, du nom du donateur ; quelques mois après, l’animal, arrivé au terme de sa croissance, était devenu un dogue superbe de la plus grande espèce, dont le caractère féroce avait toutefois été modifié par les caresses de l’enfant. Victor ne voulait aller nulle