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sont d’une vaste étendue ; les détours qu’il faut faire pour en sortir, et pour traverser les landes et les clairières, font une longue promenade du sentier qui conduit à Daisy-Lane ; et lorsque la lune éclaire la futaie, que, par une nuit tiède et embaumée, le murmure du ruisseau caché entre les aunes accompagne la voix du rossignol, minuit a sonné plus d’une fois à l’église d’un hameau éloigné avant que le seigneur d’Hunsden-Wood ait quitté notre berceau de lierre. Il cause alors avec un abandon, un calme et une douceur qu’on n’aurait pas attendus de sa nature, et qu’il ne montre qu’en ces instants d’épanchement. Il oublie la discussion et s’entretient du passé ; il raconte l’histoire de sa famille, nous dit un mot de la sienne, et entr’ouvre son cœur.

Un soir que, sous un beau ciel étoilé du mois de juin, m’amusant à le railler au sujet de son idéal, je lui demandais à quelle époque cette beauté superbe viendrait greffer ses charmes sur le vieux chêne d’Hunsden, il répondit vivement :

« Ce que vous appelez mon idéal est une réalité ; regardez plutôt, en voici l’ombre ; cela ne prouve-t-il pas un corps ? »

Et, nous’, attirant dans une clairière où les hêtres s’écartaient pour découvrir le ciel, Hunsden nous montra une miniature qu’il tira de sa poitrine. Frances la saisit avec ardeur, et l’examina la première ; puis elle me la donna, en cherchant à lire sur ma figure ce que je pensais de ce portrait. C’était celui d’une femme admirablement belle, ayant, ainsi qu’il l’avait dit un jour, des traits harmonieux et réguliers ; la peau était brune ; les cheveux, d’un noir bleu, rejetés négligemment en arrière, dégageaient le front et les tempes, comme si tant de beauté dispensait de toute coquetterie ; l’œil italien plongeait dans le vôtre un regard indépendant et fier ; la bouche était aussi ferme que belle,