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« Victor va bien ; jamais il n’a été plus calme, il sourit en dormant ; il a votre sourire, monsieur. »

Le susdit Victor était son fils ; il était venu au monde la troisième année de notre mariage, et avait été nommé ainsi en l’honneur de M. Vandenhuten, qui restait toujours notre ami sincère et dévoué.

Frances était donc pour moi une épouse aimable et dévouée, mais parce que j’étais à mon tour un bon mari, fidèle et juste. Un soir que je lui demandais comment elle se serait conduite si elle avait épousé un homme envieux, insouciant et dur, un paresseux, un prodigue, un ivrogne ou un tyran, elle me répondit, après quelques minutes de réflexion :

« J’aurais essayé de supporter le mal pendant quelque temps et surtout de le guérir ; mais, dès l’instant où j’aurais reconnu qu’il était incurable, je serais partie, quittant mon bourreau sans rien dire.

— Et si la loi t’avait forcée à rentrer avec lui ?

— Comment ! avec un débauché, un égoïste, un paresseux, un despote envieux et cruel ?

— Oui, Frances.

— Il aurait bien fallu revenir, si la force m’y avait contrainte ; je me serais assurée une seconde fois qu’il n’y avait pas de remède à ma misère, et je serais partie de nouveau.

— Et si la force t’avait contrainte encore une fois à rentrer sous le toit conjugal ?

— Je ne sais pas, dit-elle avec vivacité ; mais pourquoi me demandez-vous cela, monsieur ? »

Je tenais d’autant plus à sa réponse que je voyais briller dans son regard une flamme singulière ; et je voulais entendre l’esprit inconnu dont je provoquais le réveil.

« Dès qu’une femme méprise celui qu’elle a épousé, dit Frances d’une voix profonde, elle n’est plus que son