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Mais qu’elle fût en train de causer ou de me faire la lecture, de me tourmenter en français ou de m’implorer en anglais, de raconter avec chaleur ou d’écouter attentivement, de rire de moi ou de me sourire, elle m’abandonnait toujours dès qu’arrivait neuf heures. Au premier coup de l’horloge, elle s’arrachait de mes bras ou quittait la chaise qu’elle occupait à mon côté, prenait sa lampe et avait disparu. Je l’avais suivie quelquefois. Elle montait l’escalier, ouvrait la porte du dortoir, glissait entre les deux rangées de lits blancs qui remplissaient la pièce, regardait toutes les dormeuses, disait tout bas une parole à celle qui était éveillée, restait quelques minutes pour s’assurer que tout était calme, arrangeait la veilleuse qui brûlait jusqu’au jour, et se retirait, fermant la porte sans bruit. De là elle se rendait à notre chambre à coucher ; elle entrait dans une toute petite pièce qui donnait dans cette chambre et où il y avait un berceau. Je vis sa figure s’attendrir en approchant de cette couche enfantine ; elle voila d’une main la lampe qu’elle tenait de l’autre, s’inclina sur l’oreiller et resta penchée au-dessus d’un enfant qui dormait. Le sommeil du cher ange était calme, la fièvre ne brûlait pas ses joues rondes, les pleurs ne mouillaient pas ses cils bruns, de mauvais rêves n’altéraient pas ses traits. Frances le regarda longtemps ; une joie profonde anima son visage, un sentiment d’une puissance infinie agita tout son être, sa poitrine se gonfla, ses lèvres s’entr’ouvrirent ; sa respiration devint plus précipitée, l’enfant sourit, la mère lui sourit à son tour et murmura tout bas : « Que Dieu te protège, ô mon fils ! « Elle se baissa plus encore, effleura le front de l’enfant du plus doux des baisers, couvrit sa petite main de la sienne, se releva et partit. J’avais regagné le salon avant elle ; lorsqu’elle entra deux minutes après moi, elle dit tranquillement en posant sa lampe sur la table :