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tance, ne crains pas de la demander, tu es bien sûre de l’obtenir. »

Ses yeux me remercièrent avec effusion, deux larmes y brillèrent et disparurent aussitôt ; elle prit ma main qu’elle serra dans les siennes, et ajouta seulement : « Tu es bon, je te remercie. »

La journée se passa d’une manière délicieuse, et nous ne rentrâmes que bien tard, par un beau clair de lune. Dix années ont agité sur ma tête leurs ailes poudreuses et vibrantes ; dix années de tracas et d’efforts incessants, pendant lesquelles nous nous sommes lancés, ma femme et moi, en pleine carrière, avec cette activité dévorante que donne le tourbillon des affaires dans toutes les capitales d’Europe ; dix années de dureté envers nous-mêmes, et qui pourtant ne nous ont vus ni murmurer ni faiblir : car nous marchions l’un auprès de l’autre, en nous donnant la main, soutenus par l’espoir, secondés par la santé, encouragés par le succès, et triomphant de toutes les difficultés par l’accord de nos actions et de nos pensées. Notre maison ne tarda pas à devenir l’un des premiers pensionnats de Bruxelles. À mesure que nous élevions le prix du trimestre et que nous augmentions la force des études, nos élèves devenaient de plus en plus choisies, et finirent par se composer des enfants des premières familles de Belgique. Nous avions également d’excellentes relations avec l’Angleterre, grâce à M. Hunsden, qui, ayant profité d’un voyage à Bruxelles pour me reprocher mon bonheur dans les termes les plus durs, ne manqua pas à son retour de nous envoyer trois de ses parentes pour être polies, disait-il, par les soins de mistress Crimsworth.

Quant à cette dernière, ce n’était plus la même personne, bien qu’au fond elle ne fût réellement pas changée ; toutefois, elle différait tant d’elle-même, en cer-