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mandais si ce portrait, qui me causait une si vive émotion, intéresserait un spectateur impartial, quand j’entendis ces mots :

« Voilà au moins une figure qui exprime quelque chose. »

Je me retournai vivement : un homme de grande taille, qui pouvait être mon aîné de cinq ou six ans, tout au plus, et dont l’extérieur était loin d’être vulgaire, se trouvait à côté de moi ; je n’en vis pas davantage ; mais cet ensemble suffit pour me faire reconnaître celui qui venait de parler.

« Bonsoir monsieur Hunsden, » balbutiai-je en le saluant ; et j’allais m’éloigner comme un sot effarouché ; Pourquoi cela ? parce que M. Hunsden était un manufacturier, un propriétaire d’usine, que j’étais un simple commis, et que mon instinct me poussait à me retirer devant un homme qui était mon supérieur. Je l’avais vu souvent à Bigben-Close, où il venait presque toutes les semaines pour s’entretenir d’affaires avec M. Crimsworth ; mais il ne m’avait jamais adressé la parole ; de plus, j’éprouvais contre lui un ressentiment involontaire, parce qu’il avait été plus d’une fois témoin des insultes que me prodiguait Édouard ; j’avais l’intime conviction qu’il me regardait comme un esclave sans dignité et sans courage, et c’est pour cela que je voulais fuir sa présence.

« Où allez-vous ? » me demanda-t-il quand il vit que je me disposais à me retirer.

J’avais déjà observé qu’il parlait d’un ton bref ; et prenant la chose en mauvaise part :

« Il croit pouvoir me traiter comme un pauvre commis, pensai-je ; mais je ne suis pas d’un caractère aussi souple qu’il se le figure, et la liberté qu’il prend à mon égard ne me plaît pas le moins du monde. »

Je lui répondis quelque chose d’insignifiant où il y