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j’allais lui causer et du triomphe de mon humble pratique sur sa vaine théorie. Je m’appuyai sur la table, et d’une voix lente, mais où perçait une joie contenue, je répondis brièvement :

« Elle est raccommodeuse de dentelle. »

Hunsden m’examina avec attention ; il n’exprima pas la surprise qu’il éprouvait, et répliqua d’un ton simple, car il avait ses accès de délicatesse et de bonne éducation :

« Vous êtes le meilleur juge en pareille circonstance ; une raccommodeuse de dentelle peut faire une bonne épouse aussi bien qu’une lady ; et vous vous êtes probablement assuré qu’étant sans fortune et sans éducation, elle possède au moins toutes les qualités naturelles que vous croyez nécessaires à votre bonheur. A-t-elle de nombreux parents ?

— Aucun à Bruxelles.

— Tant mieux ; la famille est souvent, en pareil cas, un fléau. Je ne puis m’empêcher de croire qu’une étroite alliance avec des gens inférieurs serait pour vous un supplice continuel. »

Après être resté quelque temps sans parler, Hunsden se leva et me souhaita le bonsoir d’un air grave. La manière polie et sérieuse dont il me tendit la main (chose qu’il n’avait jamais faite) me persuada qu’à ses yeux j’étais sur le point de commettre une immense folie, et que ce n’était pas l’instant des railleries cyniques, mais celui de la modération et de l’indulgence.

« Bonsoir, William, dit-il d’une voix douce et en me regardant avec affection ; bonsoir, mon ami. Je vous souhaite ainsi qu’à votre femme tout le bonheur possible ici-bas ; je désire qu’elle réponde aux exigences et aux susceptibilités de votre âme pleine de délicatesse. »

J’eus beaucoup de peine à m’empêcher de rire en con-