Page:Brontë - Le Professeur.djvu/255

Cette page n’a pas encore été corrigée


— Assurément ; c’est là ma seule ressource.

— Tant mieux ; nous aurons tous les deux la même profession, et vous verrez que mes efforts seront aussi puissants que les vôtres.

— Comment ! vous cherchez déjà à vous rendre indépendante de moi ?

— Oui, monsieur ; je ne veux pas être un embarras pour vous, un embarras d’aucun genre.

— Mais vous ne savez pas ce qui m’arrive, j’ai quitté M. Pelet ; et, après six semaines de démarches et surtout d’inquiétudes, j’ai trouvé une place qui me donnera trois mille francs par an, sans compter ce que je gagnerai en dehors, et qui me vaudra au moins autant. Vous voyez bien qu’il est inutile de vous exténuer à donner des leçons ; nous pourrons vivre, et même très-bien, avec nos six mille francs. »

Il y a quelque chose de flatteur pour l’homme fort, quelque chose de conséquent avec son noble orgueil, dans la pensée de devenir la providence de celle qu’il aime, de pourvoir à sa nourriture et de la vêtir, ainsi que le Créateur fait pour les lis des champs ; je continuai donc afin de la décider.

« La vie a déjà été si pénible pour vous ! lui dis-je ; vous avez besoin de repos ; les douze cents francs que vous gagnez n’ajouteraient pas beaucoup à notre revenu, et quels sacrifices ne vous coûteraient-ils pas ! Ne travaillez plus, Frances, vous devez être fatiguée ; laissez-moi le bonheur de vous donner le repos. »

Je ne suis pas certain qu’elle eût accordé à mes paroles toute l’attention qu’elles méritaient ; au lieu de me répondre avec sa promptitude ordinaire, elle s’agita sous une impression de malaise.

« Comme vous êtes riche, murmura-t-elle, trois mille francs ! et moi qui n’en gagne que douze cents ! Mais ne disiez-vous pas que je devais quitter ma place, re-