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après quelques instants, et en parlant avec lenteur ; j’aime à vous entendre et à vous voir, j’aime à être auprès de vous. Je vous crois excellent et supérieur aux autres hommes : vous êtes sévère pour les nonchalants et pour les paresseux ; mais vous êtes bon, bien bon pour ceux qui travaillent et qui s’efforcent de bien faire ; oui, maître, je serai bien heureuse de vivre avec vous. »

Elle fit un léger mouvement comme pour s’attacher à moi : elle s’arrêta néanmoins, et reprit avec ardeur :

« Oh ! oui, bienheureuse ! »

Je la pressai contre ma poitrine, et je mis un baiser sur ses lèvres, pour sceller le contrat qui nous unissait l’un à l’autre ; puis nous restâmes longtemps sans rien dire. J’ignore à quoi pensait Frances, je ne le cherchais même pas ; je souhaitais qu’elle partageât la paix profonde que je sentais au fond de l’âme. Mon bras la retenait toujours, il est vrai, mais sans contrainte, puisqu’elle ne lui opposait plus de résistance. Je regardais vaguement la flamme qui voltigeait au-dessus du brasier ; mon cœur mesurait sa puissance et la trouvait sans limites.

« Monsieur, dit à la fin ma douce compagne, immobile dans son bonheur comme un oiseau dans son effroi, monsieur…

— Que voulez-vous dire, Frances ? je n’aime pas plus à prodiguer les épithètes amoureuses qu’à tourmenter les gens de mes caresses égoïstes.

— Vous êtes raisonnable, n’est-ce pas ? dit-elle.

— Oui, surtout quand on me le demande en anglais. Pourquoi me faites-vous cette question ? ne me trouvez-vous pas assez calme.

— Oh ! ce n’est pas de cela que je veux parler ; je voulais seulement dire que j’aimerais à garder mon emploi d’institutrice. Vous continuerez probablement à donner des leçons ?